Face à la violence des inondations qui ont frappé la ville de Douala au mois d’août 2020, les riverains ont immédiatement remis en question l’efficacité des infrastructures de drainage ayant justement pour objet d’évacuer les fortes précipitations qui s’abattent sur la ville, lors de la saison des pluies.
A ce jour, il est impossible de déterminer avec certitude la cause des inondations et seules des investigations approfondies le permettront. En outre, une catastrophe d’une telle ampleur a rarement une cause unique. Elle est le plus souvent multi-facteurs.
Cet article vise ainsi à envisager différentes hypothèses liées au système de drainage, ayant pu concourir aux inondations, qui ont dévasté plusieurs quartiers de la ville de Douala. Les cas de figure développés ci-après sont en réalité communément rencontrés pour tout type d’ouvrage présentant des défaillances.
Du côté du maître d’ouvrage, lors du lancement de son projet de réalisation d’un système de drainage des eaux de pluie, il a potentiellement sous-estimé la quantité des eaux devant être drainées. Pour estimer la quantité d’eaux à drainer, il s’est référé à des études et prévisions météorologiques mais il est possible que ces études étaient inexactes.
Les premières études sur lesquelles repose la description de l’ouvrage à réaliser sont effectuées de façon sommaire et c’est ensuite au maître d’œuvre, chargé de la conception et du pilotage du projet, d’en réaliser de nouvelles, plus approfondies. Il est donc également possible que ces nouvelles études réalisées par le maître d’œuvre étaient à nouveau inexactes.
Par ailleurs, on peut imaginer que l’ampleur des précipitations était difficilement prévisible au moyen d’études. En effet, les pluies qui se sont abattues sur Douala cette année étaient inhabituelles et bien plus importantes que les années précédentes. Malgré tout, il serait trop facile de se retrancher derrière le seul phénomène météorologique dont personne n’est responsable, car il est bien connu que chaque année est rythmée par une saison de pluies très fortes.
En outre, lorsqu’un système de drainage est créé, il doit être conçu pour absorber une quantité bien supérieure, au maximum des précipitations enregistrées par le passé, afin de pallier aux variations futures et ainsi créer un système pérenne.
L’autre facteur naturel qui a potentiellement perturbé le drainage des eaux de la ville litorrale de Douala, est la marée, qui en montant a empêché le déversement des eaux pluviales dans le Wouri. Mais à nouveau, et plus encore que précédemment pour le niveau des précipitations, les marées sont un phénomène naturel connu et prévisible.
Toutefois, si les études précitées étaient exactes, le problème peut venir d’ailleurs : des incidents d’exécution ont pu empêcher la bonne réalisation des travaux. Ils sont par exemple liés aux contraintes résultant de la composition du sol, appelées incidents géotechniques.
Il faut aussi envisager la possibilité d’un affaissement des drains lié à la quantité d’eau trop importante à supporter. Cela signifierait que l’ouvrage n’était pas prévu pour résister à une telle pression et que le niveau de précipitations de cette année dépassait fortement les prévisions.
Enfin, même si l’ouvrage était bien conçu et bien réalisé, il est encore possible que l’entretien de l’ouvrage n’ait pas été correctement assuré, provoquant la diminution voire l’impossibilité du drainage des eaux. En effet, en phase d’exploitation, le maître d’ouvrage est tenu d’assurer le curage régulier des drains.
En conclusion, les causes potentielles liées aux infrastructures de drainage relatées ci-dessus sont multiples et pourtant elles ne sont pas exhaustives. La seule méthode permettant de déterminer avec précision si le système de drainage pluvial présentait une ou plusieurs défaillances et à qui elles doivent être imputées est de procéder à la désignation d’un expert par le juge ou par accord des parties, afin qu’il mène des investigations approfondies, en présence de toutes les parties concernées, dans le respect du contradictoire.
Le contradictoire est en effet le fil conducteur de toute expertise. Il assure aux parties une totale transparence des échanges avec l’expert. Ainsi, toute information ou pièce soumise à l’expert, doit être concomitamment transmise à toutes les parties. Ce qui leur permet d’y répondre et de les contester si nécessaire. De la même manière, l’expert est tenu de convoquer toutes les parties à ses réunions et permettre à toutes les parties de répondre à ses observations ou conclusions.
Enfin, le rôle de l’avocat en droit de la construction est d’assister et de représenter les parties lors de ces investigations afin de produire tout document et information nécessaire à la défense de son client et aux investigations de l’expert. Il a également pour mission de s’assurer que le principe du contradictoire est respecté en toutes circonstances, tant par l’expert que par les parties et ainsi permettre la transparence des échanges et l’égalité des parties. C’est ce qui permettra au rapport d’expertise d’être valable et suivi par le juge et les parties.